dimanche 30 novembre 2014

La divine Matrice, qu'est-ce que c'est?


Être soi

30 choses que vous devriez arrêter de vous faire à vous même. 

En tout cas, voici quelques conseils bien utiles. Toutes ces petites choses négatives, nous nous les infligeons souvent, parfois sans même nous en rendre compte. On peut pourtant s'en débarasser: il suffit d'une certaine prise de conscience...
1. Arrêtez de côtoyer les mauvaises personnes.
Parce que la vie est trop courte pour perdre son temps avec ceux ou celles qui vous empêchent d'être heureux. Si quelqu'un vous veut vraiment dans sa vie, il vous fera de la place. Ignorez ceux qui sous estiment votre véritable valeur. Et souvenez-vous bien que ce ne sont pas les personnes qui sont à vos côtés quand tout va bien, mais bien ceux qui restent là quand tout va mal qui sont vos véritables amis.                  
2. Arrêtez de fuir les problèmes.
Affrontez les de front. Non, bien sûr que ce n'est pas facile. Personne n'est capable de résoudre instantanément et sans efforts ses problèmes. Tous, nous souffrons, nous tombons, nous sommes tristes par moments. Parce que c'est bien là le sens premier de notre existence : faire face au problèmes, apprendre, s'adapter, pour les résoudre. Ce sont ces problèmes qui nous façonnent et font de nous la personne que nous sommes.
3.Arrêtez de vous mentir.
On peut peut-être mentir aux autres, mais on ne peut pas se mentir à soi-même. Jamais. Si on n'arrive pas a être honnête avec soi-même, comment espérer que les autres le soient ?    
4. Arrêtez de mettre vos propres besoins et vos propres envies au second plan.
La pire chose qui soit, c'est de se perdre soi même en aimant trop quelqu'un, et d'oublier que l'on est spécial, nous aussi. Oui, il faut penser aux autres. Mais il faut penser à soi aussi. Le meilleur moment pour poursuivre ses rêves, ses ambitions, ses passions...C'est maintenant.
5. Arrêtez d'être quelqu'un que vous n'êtes pas.
Cela paraît simple, et pourtant c'est un véritable défi d'être soi-même dans ce monde qui vous pousse à être comme tous les autres. Vous trouverez toujours une personne plus belle, plus forte, plus jeune, plus riche, mais jamais une autre personne qui soit vous ! Ne changez pas pour que les autres vous aiment. Restez vous-même, et les bonnes personnes vous aimeront.
6. Arrêtez de vous accrocher au passé.
Vous ne pourrez pas passer au chapitre suivant dans votre vie, si vous ne faites que lire quelques pages en boucle.
7. Arrêtez d'avoir peur de faire des erreurs.
Dites vous toujours que faire quelque chose, et échouer est beaucoup, beaucoup plus productif que de ne rien faire. Chaque réussite a son histoire d'erreurs derrière elle, et chaque erreur guide un peu plus vers la réussite. On finit par regretter les choses que l'on n'a pas tentées bien plus que celles où l'on a échouées.
8. Arrêtez de vous dévaloriser à cause de vos vieilles erreurs.
Vous n'êtes pas uniquement la somme de vos erreurs passées, bien au contraire : Vous êtes là, ici et maintenant, avec un pouvoir phénoménal dans vos mains : celui de changer le cours de votre journée, et celui de votre futur par la même occasion. Voyez chaque événement de votre vie comme quelque chose qui vous prépare pour un moment à venir.
9.Arrêtez d'essayer d'acheter du bonheur.
Elles sont nombreuses, les choses que nous désirons et qui sont chères à l'achat. Mais ce ne sont que des désirs, pas du bonheur. Les seules choses qui peuvent vraiment nous satisfaire en profondeur sont gratuites : l'amour, le rire, nos passions...
10. Arrêtez de chercher le bonheur uniquement chez les autres
Si vous n'êtes pas heureux avec ce que vous êtes, à l'intérieur de vous même, vous ne serez jamais heureux dans une relation avec une autre personne non plus, et qu'importe la personne. Acceptez vous vous-même, assurez vous de la stabilité de votre propre vie avant de vouloir la partager avec quelqu'un d'autre.
11. Arrêtez d'être passif
Ne réfléchissez pas trop, ou vous risquez de créer un problème qui n’était pas là au départ. Evaluez les situations et faites une action décisive, au lieu de rester indécis. Qui dit progrès, dit prise de risque. C'est aussi simple que ça.
12. Arrêtez de vous dire que vous n'êtes pas prêt.
Personne ne se sent prêt à 100% quand une opportunité pointe le bout de son nez. Parce que la plupart des grandes opportunités qui arrivent dans la vie nous forcent à grandir au delà de nos zones de confort.
13. Arrêtez de vous investir dans des relations pour les mauvaises raisons.
Le proverbe est bien connu : mieux vaut être seul que mal accompagné. Pas besoin de se presser. Si quelque chose doit être, il deviendra réalité, au bon moment, avec la bonne personne et pour les bonnes raisons. Tombez amoureux quand vous vous sentez prêts, pas parce que vous vous sentez seuls.
14. Arrêtez de rejeter les nouvelles relations juste parce que les autres n'ont pas marché.
Dans la vie vous vous rendrez compte qu'il y a une raison d'être pour chaque personne que vous rencontrez. Certains vous testeront, d'autres vous utiliseront, d'autres vous apprendront des choses. Mais plus important encore, certains vous aideront à faire sortir le meilleur de vous-même.
15.Arrêtez d'essayer d'être en compétition avec les autres.
Ne vous focalisez pas sur ce que les autres font de mieux que vous. Concentrez vous sur le fait de dépasser vos propres limites, et de battre vos propres records chaque jour. Le succès est une bataille entre vous et vous-même seulement.
16.Arrêtez d'être jaloux des autres
La jalousie, c'est l'art de contempler la chance qu'a un autre au lieu de contempler la sienne. Posez vous la question : qu'est-ce que j'ai que tous les autres voudraient aussi avoir ?
17.Arrêtez de vous plaindre et d'avoir pitié de vous même.
Les chemins de la vie sont parfois tortueux, mais ils vous amènent toujours quelque part. Avec un peu de recul, regardez les épisodes négatifs de votre vie , vous verrez qu'ils sont souvent autant d'obstacles que vous avez franchi et qui vous ont amené à être plus forts aujourd'hui.
18.Arrêtez de garder de la rancune
Si vous vivez votre vie avec de la haine dans le cœur, vous allez au final vous faire plus de mal à vous même qu'a ceux que vous haïssez. Pardonner, ce n'est pas dire « ce que tu m'a fait n'est pas grave ». C'est dire « Je ne vais pas laisser ce que tu m'a fait m'empêcher d'être heureux ». Trouvez la paix, libérez vous. Et rappelez vous que le pardon ce n'est pas uniquement positif pour les autres mais pour vous aussi. Si vous le devez, pardonnez vous à vous-même, avancez et essayez de faire mieux la prochaine fois.
19.Arrêtez de laisser les autres vous abaisser à leur niveau
Refusez de baisser vos standards pour accommoder ceux qui refusent d'élever les leur.
20.Arrêtez de perdre votre temps à vous justifier.
Vos amis n'ont pas besoin que vous le fassiez, et vos ennemis ne vous croiront pas de toute façon, et ils trouveront toujours quelque chose à redire. Faites simplement ce que votre cœur juge bon.
21.Arrêtez de faire les même choses encore et encore sans faire de pause.
Le meilleur moment pour souffler un gros coup c'est encore quand on a le temps. Si vous continuez de faire ce que vous faites, vous continuerez aussi à avoir ce que vous avez. Il est donc important de se distancier de temps en temps.
22.Arrêtez de sous-évaluer la beauté des petits instants.
Apprenez à apprécier les petites choses, parce qu'il se pourrait bien qu'un jour vous regardiez en arrière et que vous vous rendiez compte qu'il s'agissait en fait de grandes choses. Les meilleurs instants d'une vie sont ces petits instants en apparence insignifiants que l'on traverse le sourire aus lèvres avec les personnes que l'on aime.
23.Arrêtez d'essayer de rendre les choses parfaites
Le monde « réel » ne récompense pas les perfectionnistes, il récompense les gens qui se débrouillent pour que les choses soient faites.
24.Arrêtez de suivre la voie du moindre effort
La vie n'est pas facile, surtout lorsqu'on cherche à accomplir quelque chose qui en vaut la peine. Ne prenez pas les chemins faciles. Faites l'extraordinaire.
25.Arrêtez de faire semblant que tout va bien quand ça n'est pas vrai.
C'est tout a fait normal d'avoir des moments de faiblesse. Vous n'avez pas besoin de prouver constamment que vous êtes fort et que tout va bien. Qu'importe ce que les gens pensent ? Pleurez, si vous avez besoin de pleurer. Le plus tôt vous le ferez, le plus tôt vous serez capables de sourire de nouveau.
26.Arrêtez de tenir les autres responsables de vos problèmes.
L'ampleur des rêves que vous pourrez réaliser dépend de votre capacité à prendre la responsabilité de votre vie et de vos actions. Quand vous tenez les autres pour responsables de quelque chose, vous choisissez peut être une voie facile...Mais vous niez votre propre responsabilité, et donnez aux autres le pouvoir par rapport à cet aspect-là de votre vie.
27.Arrêtez d'essayer d'être tout pour tout le monde.
Parce que c'est tout bonnement impossible, et parce qu'en vous acharnant à vouloir le faire, vous ne ferez rien d'autre que vous épuiser en vain. Par contre, faire sourire une seule personne peut changer le monde. Peut être pas le monde entier, mais leur monde, en tout cas.
28.Arrêtez de vous angoisser
Le stress ne fera pas disparaître les soucis de Demain, mais il ôtera la joie de Maintenant. Une bonne façon de savoir si quelque chose est vraiment digne de tous ces tracas ? Posez vous la question : est-ce que ce sera vraiment si important dans un an ? Trois ans ? Dans cinq ans ?
Si la réponse est non....Il est peut être temps de baisser un peu la pression.
29.Arrêtez de vous concentrer uniquement sur les événements que vous ne voulez pas voir arriver.
Concentrez vous sur ce que vous voulez voir arriver, pas sur vos peurs. La pensée positive est la pierre angulaire de toute réussite. SI vous vous réveillez tous les matins en vous disant que quelque chose de génial va vous arriver dans la journée, et que vous observez avec attention, vous verrez que la plupart du temps, la vie vous donnera raison.
30.Arrêtez d'être ingrats.
Que vous soyez chanceux ou non, quoi qu'il advienne, réveillez vous tous les matins avec le sentiment de gratitude d'avoir la Vie. Quelqu'un, quelque part est en train de se battre désespérément pour conserver la sienne. Nous sommes souvent obsédés par ce qui nous manque, alors que nous ne réalisons bien souvent pas que nous avons certaines choses vraiment précieuses que d'autres n'ont pas.Bon....Il n'y a plus qu'a suivre ces très précieux conseils. La meilleure chose à faire, c'est encore d'apprécier chaque jour à sa juste valeur, et de prendre le temps de laisser son esprit se déployer, un peu plus chaque jour.

mardi 25 novembre 2014

Retrouvez la joie



Retrouvez le goût du plaisir!


Se_faire_plaisirDans l’article d’aujourd’hui, je vous parlerai du Plaisir. Mais qu’est-ce-que le Plaisir ? Si l’on se réfère au dictionnaire, la définition du plaisir est la suivante :
« Etat de contentement qui crée chez quelqu’un la satisfaction d’une tendance, d’un besoin, d’un désir.  Ce qui plaît, divertit, procure à quelqu’un ce sentiment agréable de contentement ».
La société dans laquelle nous évoluons a plutôt tendance à faire du plaisir un excès, une émotion individualiste, qui nous mènerait même au narcissisme, voire à l’inactivité et la paresse.
Or le plaisir est tout simplement la satisfaction de nos besoins, le comblement de nos désirs, c’est une des clefs de notre bien-être.
Nous ne savons plus vraiment quels sont nos besoins, nous sommes sans arrêt sollicités par notre entourage, nos corvées domestiques, les requêtes professionnelles auxquelles nous donnons priorité et nous oublions de satisfaire nos propres besoins, nos envies. Nous les réfrénons par peur de passer pour quelqu’un de personnel ou d’égoïste. La peur du jugement d’autrui nous empêche de nous faire plaisir. Ce qui nous amène, bien souvent, à compenser nos manques par des plaisirs secondaires : qui ne s’est pas gavé de chocolat devant la télé afin de combler, le plus souvent, un manque affectif, pour ensuite culpabiliser d’avoir cédé à la tentation ? N’avez-vous pas acheté cette grosse voiture pour en mettre plein la vue de votre entourage et ainsi combler votre manque de reconnaissance ?
Les besoins, quels qu’ils soient, ne sont pas comblés en satisfaisants nos plaisirs secondaires.
Tout être humain est en recherche perpétuelle de plaisir : ne vous êtes-vous pas offert ce vêtement pour qu’il vous mette en valeur et ainsi éprouver du plaisir ? N’avez-vous pas choisi cet emploi dans l’espoir de vous épanouir ?
Chacun de nous n’aspire qu’au plaisir. Mais pour redécouvrir le plaisir vous devez tout d’abord être en amitié avec vous-même afin de savoir vous faire du bien car le plaisir est personnel, c’est une émotion intime, une expérience secrète. Vous pouvez retrouver le goût du plaisir en appliquant quelles recettes simples.
RALENTISSEZ
Nous passons notre vie à courir après le temps et avons la sensation d’en manquer. Pour quelles raisons certains arrivent à gérer leur temps mieux que d’autres ? Tout simplement parce qu’ils vivent l’instant présent.
Quand vous allez au travail, ralentissez, marchez plus lentement, regardez autour de vous, observez les gens, les bruits qui vous entourent, sachez vous arrêter sur un détail.
Dans votre voiture, au lieu de vous énerver dans les bouchons ou au feu rouge, portez votre attention sur ce qui se passe autour de vous, la foule qui déambule sur les trottoirs, ce petit espace vert dont vous ignoriez l’existence malgré le fait que vous soyez passé maintes fois devant… Mettez-vous à l’écoute de votre corps, de vos sensations et relâchez un instant vos muscles. Appréciez ce temps qui vous est imparti.
DÉGUSTEZ
Nous ne prenons plus le temps de manger, nous avalons de la nourriture sans réellement l’apprécier.
Au déjeuner, que vous preniez vos repas au restaurant ou au réfectoire, prenez le temps de bien de choisir ce que vous allez consommer. Faites intervenir tous vos sens et dégustez chaque bouchée, observez ce qui se passe en vous. Remarquez comme vos cinq sens sont présents. Regardez, sentez, goûtez, mettez vos sens en éveil.
A vos carnets !
Répondez avec honnêteté à ces quelques questions :
Quels sont les plaisirs secondaires ou compensatoires auxquels vous avez recours et qui cachent un besoin refoulé ? Identifiez ce besoin.
Quelles actions pourriez-vous mettre en place pour combler ce besoin et vous faire plaisir ?
Quels sont les plaisirs que vous aimeriez vous faire ?
Que pouvez-vous mettre en place afin d’éprouver plus de plaisir dans votre vie personnelle et professionnelle ?
Que la Joie, le Bonheur et l’Abondance vous entourent.

lundi 24 novembre 2014

La gentillesse, vertu de perdants ou signe de santé mentale ?

La gentillesse! Force est de reconnaître que cette qualité n’a plus la cote à l’ère du chacun pour soi. En 2009, un psychanalyste et une historienne britanniques nous invitaient déjà à réhabiliter cette disposition d’esprit si précieuse.
srboisvert/FlickR/CC
La gentillesse, disait l’empereur et philosophe romain Marc-Aurèle, est "le plus grand plaisir" de l’être humain. Penseurs et écrivains ont abondé dans ce sens pendant des siècles, mais aujourd’hui beaucoup de gens trouvent ce plaisir incroyable ou du moins hautement suspect. On en est venu à penser l’être humain comme étant dépourvu de générosité naturelle. Nous sommes pour la plupart convaincus qu'en tant qu'espèce nous sommes profondément et foncièrement hostiles les uns aux autres, que nos motivations sont égoïstes et nos élans d’affection des formes de protection. La gentillesse – et non pas la sexualité, non pas la violence, non pas l’argent – est aujourd’hui notre plaisir interdit.

>> A lire aussi : Avoir un patron trop gentil, c'est un cauchemar

En un sens, la gentillesse est périlleuse parce qu’elle repose sur une sensibilité aux autres, sur une capacité à s’identifier à leurs plaisirs et à leurs souffrances. Se mettre à la place de l’autre peut être très inconfortable. Mais les plaisirs que procure la gentillesse, comme tous les grands plaisirs humains, ont beau être par nature périlleux, ils sont parmi les plus choses les plus gratifiantes que nous possédions. En 1741, le philosophe écossais David Hume perdit patience face à une école philosophique qui tenait l’humanité pour irrémédiablement égoïste. Ceux qui étaient assez bêtes pour nier l’existence de la gentillesse humaine avaient perdu de vue la réalité des sentiments, estimait-il. Pendant presque toute l’histoire de l’humanité – jusqu’à l’époque de Hume et au-delà, à l’aube de l’âge moderne –, les gens se sont perçus comme naturellement bons. En renonçant à la gentillesse – et en particulier aux actes de bonté –, nous nous privons d’un plaisir essentiel à notre bien-être.

Notre capacité à aimer autrui est inhibée par des peurs

Le terme de "gentillesse" recouvre des sentiments que l’on nomme aujourd’hui solidarité, générosité, altruisme, humanité, compassion, pitié, empathie – et qui par le passé étaient connus sous d’autres noms, tels que philanthropia (amour de l’humanité) et caritas (amour du prochain ou amour fraternel). La signification précise de ces mots varie, mais ils désignent tous en gros ce que l’on appelait à l’époque victorienne "grand cœur" [open-heartedness], la disposition favorable à l’égard de l’autre. "Plus répandu encore que l’éloignement entre les personnes est le désir de rompre cet éloignement", disait le philosophe allemand Theodor Adorno, pour signifier que la distance que nous gardons vis-à-vis des autres nous fait nous sentir en sécurité mais nous rend aussi malheureux, comme si la solitude était le prix inévitable à payer pour nous préserver. L’Histoire nous montre les multiples façons qu’a l’homme d’exprimer son désir d’aller vers l’autre, des célébrations classiques de l’amitié aux philosophies de l’action sociale du XXe siècle, en passant par les enseignements chrétiens de l’amour et de la charité. Elle nous montre aussi à quel point nous sommes étrangers les uns aux autres, et à quel point notre capacité à aimer autrui est inhibée par des peurs et des rivalités aussi anciennes que la gentillesse elle-même.

Pendant la plus grande partie de l’histoire occidentale, la tradition dominante en matière de gentillesse a été le christianisme, qui sacralise les instincts généreux de l’homme et en fait le fondement d’une foi universaliste. La charité chrétienne a servi pendant des siècles de ciment unissant les individus en une société. A partir du XVIe siècle, le commandement chrétien "Tu aimeras ton prochain comme toi-même”commence à subir la concurrence de l'individualisme. Le Léviathan de Thomas Hobbes (1651), le texte fondateur du nouvel individualisme, considérait la bonté chrétienne comme une absurdité psychologique. Les hommes étaient, selon Hobbes, des animaux égoïstes qui ne se souciaient que de leur propre bien-être, et l’existence humaine "une guerre de tous contre tous". Ses vues mettront du temps à s’imposer, mais à la fin du XVIIIe elles sont devenues l’orthodoxie – en dépit des tous les efforts de Hume et d’autres. Deux siècles plus tard, il semble que nous soyons tous hobbesiens, convaincus d’être mus par l’intérêt personnel. La gentillesse inspire de la méfiance, et ses démonstrations publiques sont jugées moralistes et sentimentales.
Ses icônes populaires – la princesse Diana, Nelson Mandela, Mère Teresa – sont soit vénérées comme des saints, soit accusées d’être des hypocrites intéressés. Donner la priorité aux besoins d’autrui est peut-être louable, pensons-nous, mais certainement pas normal.

Refus phobique de la gentilesse

Aujourd’hui, il n’y a qu’entre parents et enfants que la gentillesse est attendue, bien vue et de fait obligatoire. La gentillesse – c’est-à-dire la disposition à assumer la vulnérabilité des autres, et donc de soi-même – est devenue un signe de faiblesse (sauf naturellement chez les saints, chez qui elle témoigne de leur nature exceptionnelle). On n’en est pas encore à dire que les parents doivent cesser d'être gentils avec leurs enfants. Mais nous avons développé dans nos sociétés une phobie de la gentillesse, évitant les actes de bonté et trouvant toutes sortes de bonnes raisons pour justifier cette aversion. Toute compassion est de l'apitoiement sur soi, relevait l'écrivain D.H. Lawrence, et cette formule reflète bien ce qu’inspire aujourd’hui la gentillesse, qui est prise soit pour une forme noble d’égoïsme, soit pour la forme de faiblesse la plus vile (les gentils sont gentils uniquement parce qu’ils n’ont pas le cran d’être autre chose).

La plupart des adultes pensent secrètement que la gentillesse est une vertu de perdants. Mais parler de perdants et de gagnants participe du refus phobique de la gentillesse. Car s’il y a une chose que les ennemis de la gentillesse – et nous en sommes tous aujourd’hui – ne se demandent jamais, c’est pourquoi nous en éprouvons. Pourquoi sommes-nous portés à être gentils envers les autres ? Pourquoi la gentillesse est-elle importante pour nous ? La gentillesse a ceci de particulier que nous savons parfaitement la reconnaître, dans la plupart des situations ; et pourtant le fait de reconnaître un acte de gentillesse le rend plus facile à éviter. Nous savons généralement quoi faire pour être gentil – et reconnaître les occasions où l’on est gentil avec nous et celles où on ne l’est pas. Nous avons généralement les moyens de le faire (nul besoin d'être expert pour cela) et cela nous procure du plaisir. Et pourtant, cela nous perturbe à l’extrême. Il n’y a rien dont nous nous sentions plus régulièrement privés que de gentillesse ; le manque de gentillesse est la maladie de notre époque. "Un signe de santé mentale, écrivait [le psychanalyste britannique] Donald Winnicott en 1970, est la capacité à entrer en imagination dans les pensées, les sentiments, les espoirs et les peurs de quelqu’un d’autre et de laisser ce quelqu’un d’autre en faire autant avec soi."

Le manque de gentillesse dénote un manque d'imagination tellement grave qu'il menace non seulement notre bonheur, mais aussi notre santé mentale. Se soucier des autres, comme le disait Jean-Jacques Rousseau, est ce qui nous rend pleinement humains. Nous dépendons les uns des autres non seulement pour notre survie, mais aussi pour notre existence même. L’individu sans liens affectifs est soit une fiction, soit un dément. La société occidentale moderne rejette cette vérité fondamentale et fait passer l'indépendance avant tout. Or nous sommes tous foncièrement des êtres dépendants. La pensée occidentale en est convenue tout au long de son histoire ou presque. Même les stoïciens – ces incarnations de l’autosuffisance – reconnaissaient que l’homme avait un besoin inné des autres comme pourvoyeurs et objets de gentillesse. L’individualisme est un phénomène très récent. Les Lumières, que l’on considère habituellement comme l’origine de l’individualisme occidental, défendaient les "affections sociales" contre les "intérêts personnels". L’époque victorienne, que l’on s’accorde à qualifier d’âge d’or de l’individualisme, a vu s’affronter violemment défenseurs et adversaires de l’individualisme économique. Au début des années 1880, l’historien et militant chrétien Arnold Toynbee s’en prend à la vision égoïste de l’homme prônée par les prophètes du capitalisme de la libre entreprise dans une série de conférences sur la révolution industrielle en Angleterre. Le "monde d’animaux chercheurs d’or, dépourvus de toute affection humaine" envisagé par les tenants de l’économie de marché est "moins réel que l’île de Lilliput", s’emportait-il.

Une qualité défendue par Darwin

Les transcendantalistes américains de cette époque dénoncent l’esprit de "compétition égoïste" et établissent des communautés de "coopération fraternelle".
Même Charles Darwin, coqueluche des individualistes modernes, rejetait violemment l’idée que le genre humain était foncièrement égoïste, défendant l’existence chez lui d’instincts altruistes aussi puissants que les instincts égoïstes. La bienveillance et la coopération sont innées chez l’homme, argumente-t-il en 1871 dans The Descent of Man [traduit en français notamment sous le titre La Filiation de l’homme, Syllepse, 1999] et sont un facteur déterminant pour le succès de l’évolution. Darwin défendait la gentillesse sur des bases scientifiques et non pas religieuses.

Pour la plupart de ses contemporains, toutefois, la charité chrétienne incarnait la gentillesse par excellence. Servir Dieu, c’était servir les autres, via un ensemble d’organisations philanthropiques placées sous le patronage des Eglises. Les laïques s’imprégnèrent de ces idées. Le sacrifice de soi et le devoir social devinrent au Royaume-Uni des éléments essentiels de la "mission impériale" et attirèrent une foule d’hommes et de femmes à l’âme noble prêts à porter le "fardeau de l’homme blanc". Pendant ce temps, outre-Atlantique, une armée de philanthropes se mirent en tête d’élever moralement les Américains pauvres tout en soulageant leurs malheurs. La bonté de l’époque victorienne est aujourd’hui condamnée pour son autosatisfaction morale, ses préjugés de classe, son racialisme et son impérialisme.

Tout le monde ou presque est d’accord aujourd’hui avec Nietzsche pour railler la mauvaise conscience des philanthropes du XIXe. Ces bons samaritains ne manquaient pas non plus d’adversaires à l’époque : d'Oscar Wilde, qui affichait son exécration de "l’écœurante litanie hypocrite du devoir", aux radicaux et aux socialistes, bien décidés à remplacer la charité par la justice, la gentillesse de l’élite par les droits universels. Les horreurs de la Première Guerre mondiale vont révéler la vacuité du discours impérial et sacrificiel, tandis que l’érosion des hiérarchies sociales traditionnelles consécutive à la guerre sape l’idéal de service de la patrie. Les femmes, qui ont longtemps vanté l’abnégation et le dévouement comme des "devoirs féminins", se mettent à songer aux avantages de l'égalité. 

La condescendance de la philanthropie victorienne


Quand elle est le fait du pouvoir, la gentillesse dégénère facilement en harcèlement moral, comme l’ont appris à leurs dépens beaucoup d’actuels allocataires des aides sociales. William Beveridge, le père du système de protection sociale britannique, avait bien conscience de ce danger. La bienveillance qu’il défendait était résolument moderne et populaire, c’était la charité sans la coercition condescendante de la philanthropie victorienne. L’actuel système de santé public britannique (NHS) est à de nombreux égards un archaïsme, un dinosaure d’altruisme public qui refuse obstinément de mourir. Les tentatives acharnées des gouvernements successifs pour le privatiser ont fait beaucoup de dégâts mais la philosophie altruiste demeure et témoigne de cet élan humain universel qui pousse à “aider des inconnus”, comme le disait [le sociologue britannique] Richard Titmuss, l’un des plus ardents défenseurs du NHS. Pourquoi devrait-on se soucier qu’un parfait inconnu reçoive ou non les soins dont il a besoin ?

En vertu de la conception hobbesienne de la nature humaine, cela n’a aucun sens ; et pourtant, tout prouve que cela n’est indifférent à personne, pensait Titmuss. La victoire de Margaret Thatcher en 1979 marque la défaite de la vision d’une société bienveillante, chère à Beveridge et à Titmuss, et l’on assiste à une érosion semblable des valeurs de solidarité aux Etats-Unis avec l’avènement du reaganisme, dans les années 1980. La gentillesse est désormais reléguée au rang de motivation minoritaire, tout juste bonne pour les parents (et en particulier les mères), les travailleurs sociaux et les bonnes âmes en sandales. Les années 1990 proclament un retour aux valeurs de solidarité, mais cela s’avérera être une escroquerie rhétorique, les enfants de Thatcher et Reagan baignant dans l’idéologie néolibérale et ayant perdu la mémoire de la protection sociale du milieu du XXe siècle.

Avec le triomphe du New Labour en Grande-Bretagne en 1997 et l’élection de George W. Bush aux Etats-Unis en 2000, l’individualisme compétitif devient la norme. La “dépendance” devient encore plus taboue et les dirigeants politiques, les chefs d’entreprise et une brochette de moralistes bien nourris haranguent les pauvres et les plus vulnérables sur les vertus de l’autosuffisance.
Tony Blair se prononce en faveur d’une compassion exigeante pour remplacer la version plus laxiste défendue par ses prédécesseurs. “Le nouvel Etat-providence doit encourager le travail, pas l’assistanat”, déclare-t-il, tandis qu’une horde de gestionnaires réducteurs de coûts dévorent à belles dents le système de protection sociale britannique. Le capitalisme n’est pas fait pour les gens de cœur. Même ses adeptes le reconnaissent, tout en soulignant que, si ses motivations sont bassement matérielles, ses résultats sont bénéfiques à la société : la libre entreprise sans entraves génère de la richesse et du bonheur pour tous. Comme toutes les croyances utopiques, elle relève du trompe-l’œil. Les marchés libres ruinent les sociétés qui les abritent. Le grand paradoxe du capitalisme moderne, remarque le philosophe et thatchérien repenti John Gray, c’est qu’il sape les institutions sociales qui lui ont permis de prospérer – la famille, la carrière, la collectivité. Pour un nombre croissant de Britanniques et d’Américains, la “culture d’entreprise” est synonyme de surmenage, d’anxiété et d’isolement. La compétition règne en maître – même les enfants en bas âge y sont soumis et finissent par en tomber malades. Une société compétitive, une société qui divise les gens entre gagnants et perdants, engendre hostilité et indifférence. La gentillesse nous vient naturellement, mais la cruauté et l’agressivité aussi. Quand on est soumis à une pression constante, on s’éloigne les uns des autres. La solidarité diminue et la bienveillance devient trop risquée. La paranoïa s’épanouit et les gens cherchent des boucs émissaires à qui faire payer le fait qu’ils ne sont pas heureux. On voit se développer une culture de la dureté et du cynisme, alimentée par l’admiration envieuse pour ceux qui ont l’air de prospérer dans cet environnement impitoyable – les riches et célèbres, notre clergé moderne.

Que faire ? Rien, diront certains. Les êtres humains sont intrinsèquement égoïstes, un point c’est tout. Les journaux nous bombardent de preuves scientifiques étayant ce pessimisme. On nous parle de chimpanzés cupides, de gènes égoïstes, d’impitoyables stratégies d’accouplement. Le biologiste Richard Dawkins, à qui l’on doit l’expression “gène égoïste”, est très clair à cet égard : “Une société humaine reposant uniquement sur la loi génétique de l’égoïsme universel serait une société très dure. Malheureusement, ce n’est pas parce qu’on déplore une chose qu’elle n’est pas vraie…” Il ne désespère pas pour autant : “Si on souhaite, comme moi, édifier une société dans laquelle les individus coopèrent de manière généreuse et désintéressée en vue du bien commun, il ne faut pas attendre grand-chose de la nature biologique. Essayons d’enseigner la générosité et l’altruisme, car nous sommes nés égoïstes… Tâchons de comprendre ce que veulent nos gènes égoïstes, car nous pourrons alors au moins avoir la possibilité de contrecarrer leurs desseins.” Le diagnostic de Dawkins est aussi spécieux que la solution qu’il préconise est absurde. 

"On peut toujours être gentil, par mesure de sécurité"


L’altruisme inné a aussi ses partisans parmi les scientifiques. Les théoriciens de l’évolution démontrent que l’ADN des gens gentils a de fortes chances de se reproduire, tandis que les neurologues font état d’une activité accrue dans le lobe temporal supéro-postérieur des individus altruistes. Quantité d’études prétendent démontrer l’existence de comportements généreux chez les animaux, en particulier chez les fourmis, dont la propension à se sacrifier pour le besoin de leur colonie impressionne fortement les journalistes de la presse populaire. Dans tous les cas, disent toutefois les scientifiques, ces comportements sont motivés par l’impératif d’assurer des intérêts à long terme, en particulier la reproduction de l’espèce. Du point de vue des sciences naturelles, la gentillesse est toujours “égoïste” au bout du compte. La science a beau être la religion moderne, tout le monde ne croit pas en ces pseudo-certitudes ni n’en tire consolation. Beaucoup se tournent encore vers les valeurs chrétiennes, pour retrouver le sens de la fraternité humaine, qui, dans un monde sécularisé, a perdu son ancrage éthique. Mais on ne peut pas dire que le bilan du christianisme en matière de gentillesse inspire confiance, pas plus que celui de la plupart des autres religions. Le paysage spirituel contemporain, avec ses violentes prises de bec entre religions et au sein de chacune d’elles, offre un spectacle déprimant même pour les non-croyants.
On préfère, semble-t-il, les certitudes bon marché du “nous contre eux” aux déstabilisantes manifestations de fraternité humaine transcendant les clivages culturels.

Le soupçon le plus tenace qui pèse sur la gentillesse, c’est qu’elle n’est que du narcissisme déguisé : nous sommes gentils parce que cela nous fait du bien ; les gens gentils sont des drogués de l’autoapprobation. Confronté à cet argument dans les années 1730, le philosophe Francis Hutcheson l’avait expédié prestement : “Si c’est de l’amour de soi, qu’il en soit ainsi […]. Rien n’est mieux que cet amour de soi, rien n’est plus généreux.”Rousseau ne dit pas autre chose dans son Emile. Il montre que la gentillesse d’Emile naît de son amour de soi. Rousseau montre ici parfaitement pourquoi la gentillesse est le plus envié des attributs humains. On pense envier aux autres leur réussite, leur argent, leur célébrité, alors qu’en fait c’est la gentillesse qu’on envie le plus parce que c’est le meilleur indicateur de bien-être, du plaisir de l’existence. La gentillesse n’est donc pas que de l’égoïsme camouflé. A ce soupçon, la société moderne postfreudienne en a ajouté deux autres – la gentillesse serait une forme déguisée de sexualité et une forme déguisée d’agressivité, c’est-à-dire, finalement, une fois encore de l’égoïsme camouflé.

Dans la mesure où la gentillesse est un acte sexuel, elle peut être une stratégie de séduction (je suis gentil avec toi pour pouvoir avoir des relations sexuelles et/ou des enfants) ou de défense contre la relation sexuelle (je vais être gentil avec toi pour que tu ne penses plus au sexe et que l’on puisse faire autre chose ensemble), ou bien encore une façon de réparer les dégâts supposément causés par le sexe (je vais être gentil avec toi pour me faire pardonner tous mes désirs néfastes). Dans la mesure où la gentillesse est un acte agressif, elle est une stratégie d’apaisement (j’éprouve tellement d’agressivité à ton égard que je ne peux nous protéger tous les deux qu’en étant gentil) ou un refuge (ma gentillesse te tiendra à distance). “On peut toujours être gentil, par mesure de sécurité”, dit Maggie Verver à son père dans le roman de Henry James La Coupe d’or. Dans chacun de ces cas, on part du principe que nous sommes des êtres cherchant à se protéger et à se faire plaisir, et que la gentillesse est l’une des nombreuses stratégies visant à satisfaire ces besoins. C’est là une vision très réductrice. Car la gentillesse reste une expérience dont nous ne savons pas nous passer, du moins pas encore. Tout, dans notre système de valeurs actuel, fait qu’elle peut sembler parfois utile (autrement dit efficace) mais qu’elle est potentiellement superflue, qu’elle constitue un vestige d’une autre époque ou un élément d’un vocabulaire religieux. Pourtant, nous la désirons toujours, en sachant qu’elle crée la sorte d’intimité, la sorte d’implication avec l’autre dont nous avons à la fois peur et terriblement besoin. En sachant que c’est la gentillesse, à la base, qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue et que tout ce qui va à son encontre est un coup porté à nos espoirs.

vendredi 14 novembre 2014

Bienvenue dans l'ère des hyper-narcissiques

Bienvenue dans l'ère des hyper-narcissiques

Par , avec Youness Bousenna, publié le 

Moi, moi, moi... Des politiques aux "people", l'égocentrisme ne connaît plus de limites. Alors que dans une société en panne de valeurs collectives, selfies et réseaux sociaux tendent un miroir parfois obsessionnel à tout un chacun. C'est grave, docteur? Du ludique au pathologique, enquête sur les effets -et les excès- d'un nombrilisme décomplexé. 


Bienvenue dans l'ère des hyper-narcissiques
Les fameux selfies offrent le plus spectaculaire échantillon du narcissisme. Ici, à Vilnius (Lituanie), 

Par son impudence et son incroyable toupet, il a fait rire -jaune- les Français ; nettement moins ses collègues du gouvernement. Un numéro, ce Thomas Thévenoud, qui ne payait ni ses impôts ni ses factures d'électricité, pas plus que ses loyers parisiens, le tout au nom d'une prétendue "phobie administrative". Du haut de son Olympe, le grand homme n'avait pas songé que ces quelques libertés prises avec la loi constitueraient un obstacle à l'exercice de sa fonction de secrétaire d'Etat au Commerce extérieur. Dix jours plus tard, Thomas Thévenoud était viré.  
"Le narcissisme est un ensemble de traits de personnalité dominés par la conviction de son propre mérite et de sa supériorité, associée à la conviction que l'on n'a pas à suivre les mêmes règles et contraintes que les autres", détaille le psychiatre Christophe André. Suivez mon regard... 
A sa décharge, en politique, Thomas Thévenoud n'est pas le seul à nourrir la chronique des hypernarcissiques patentés.Valérie Trierweiler imposant son râle de femme blessée à la France entière - et tant pis si le président, déjà sonné, a vu, du coup, trente-six chandelles ; Arnaud Montebourg le "rebelle", flirtant, à la Une d'un hebdo populaire, avec son ex-copine du Conseil des ministres Aurélie Filippetti, au lendemain de son éviction sous les sunlights...  
Serait-ce cela, le visage de la classe politique française : une farandole d'ego boursouflés qui éloignent un peu plus les Français de leurs élus ? "La politique a toujours été un terrain de prédilection pour les grands narcissiques, relève le journaliste Alain Duhamel (1). La nouveauté, c'est la confluence entre les réseaux sociaux, l'info en continu et la pipolisation des responsables politiques. Chez ceux qui jouent totalement le jeu, le narcissisme est parfaitement assumé, et devient même une stratégie de conquête du pouvoir." 
Inutile, donc, de jeter la pierre à nos dirigeants : ils vivent avec leur temps. Celui du "moi je" et du narcissisme à gogo. Plus qu'une tendance, une "épidémie" aux effets parfois ravageurs sur les individus, constate le psychiatre Laurent Schmitt, auteur d'un livre passionnant, Le Bal des ego(Odile Jacob) - nous y revenons dans les pages suivantes.  

La frénésie du selfie

Dès les années 1970, le sociologue américain Christopher Lasch dénonçait dans un essai magistral, La Culture du narcissisme(Climats), l'"invasion de la société par le moi". Le constat a, depuis, été amplement confirmé, et pas seulement aux Etats-Unis. Du butor s'engouffrant dans le wagon du métro sans laisser descendre les passagers, à "M. ou Mme Je-Sais-Tout" plastronnant dans les médias -pour ceux qui rangeraientChristophe Barbier, le directeur de la rédaction de L'Express dans cette dernière catégorie, sachez qu'il nie tout- les petits et grands narcisses prolifèrent. Sacrifiant d'un même élan à la culture moderne de l'image, dont les fameux selfies offrent le plus spectaculaire échantillon. 
Barack Obama, le pape, les ados, les touristes, les amoureux, vous et moi... Tout le monde succombe à l'hystérie du moment véhiculée par les smartphones, dont certains comportent même un grand-angle ad hoc. Certains accros enquillent jusqu'à 200 clichés par jour, tel ce Britannique de 19 ans, soigné pour addiction. Chez les adolescents en quête d'identité, la frénésie n'a pas que des défauts.  
Témoin Hugo Cornellier, un jeune Québécois, contacté par L'Express. Le jeune homme s'est photographié chaque jour entre l'âge de 12 et de 19 ans, puis a rassemblé ses autoportraits dans une vidéo postée sur YouTube, visionnée par 5 millions d'internautes. Pourquoi tant d'efforts ? "Je voulais voir les changements physiques de mon corps." 

Aux origines de l'affirmation du je

Restons calmes : le moi a cessé d'être haïssable bien avant l'invention du selfie. L'affirmation du je est même une très vieille histoire en Occident. Disons, pour rester bref, qu'elle puise sa source dans la Renaissance, se déploie avec les romantiques et s'exacerbe depuis les années 1970 dans la revendication d'"être soi", alors même que s'épuisaient les grands combats collectifs portés par les idéologies.  
Dans une société au présent funèbre et au futur à peine plus prometteur, il n'est pas non plus surprenant de se replier sur sa personne pour souffler un peu. De nos jours, le développement est "personnel", comme le martèlent les innombrables livres publiés chaque année dans ce domaine, et dont le succès ne tarit pas -le chiffre d'affaires du secteur a augmenté de 23,1% l'an dernier, d'après le cabinet d'études de marché GfK.  
La télé qui se pique de "réalité" fait toujours autant fantasmer, des petites soeurs de Nabilla à l'agriculteur esseulé de la Beauce. "Le défi, c'est de montrer que je peux réussir, raconte Elies, un jeune cuisinier candidat au casting de Secret Story. Et réussir, c'est être séducteur." Certains font d'ailleurs du jeu de l'ego tout un art. Pour fêter la rentrée littéraire, Frédéric Beigbeder a ainsi fait poser un mannequin avec son dernier roman à la Une du magazine Lui...qu'il dirige.  
Même des initiatives a priori généreuses - comme celle de l'Ice Bucket Challenge(défi du seau d'eau glacée), lancée l'été dernier - virent à l'exercice nombriliste. Que retiendra le grand public de cette série de douches médiatiques à la Laurel et Hardy ? Des clichés de stars aux cheveux dégoulinants - Bill Gates, Eva Longoria, Johnny Hallyday... En revanche, il n'est pas sûr que beaucoup se rappellent le motif de la campagne : récolter des fonds pour la recherche sur la maladie de Charcot. 

S'exprimer même quand on n'a rien à dire

"Le narcissique de notre temps est tout sauf fermé sur lui-même et sur son désir, analyse le philosophe Yves Michaud dans son dernier ouvrage, Narcisse et ses avatars (Grasset). Il veut au contraire qu'on l'admire et qu'on l'aime, et ne peut se passer du désir d'autrui." Ô merveille : c'est exactement le miroir que lui tendent les réseaux sociaux depuis les années 2000.  
En plaçant l'individu au coeur du système, le Web social, Facebook en tête, a largement contribué à faire passer l'égocentrisme contemporain du stade de l'affection bénigne à la maladie contagieuse, notamment chez les ados. "Regarde dans quel coin paradisiaque je passe mes vacances, dans quelle fiesta démente j'étais samedi soir, avec quel super beau gosse je me tortille sur ledance floor...
"Dans Facebook, vous observez les autres à partir de votre profil ; on est donc dans un soi englobant, à travers lequel les représentations d'autrui sont fragmentées, comme si elles participaient, elles aussi, de l'image de soi", décrypte Fanny Georges, maître de conférences en sciences de la communication à l'université Paris III. Toi, toi, mon moi, fredonnerait aujourd'hui Elli Medeiros...  
Mieux : les réseaux sociaux constituent un moyen de s'exprimer y compris lorsqu'on n'a pas grand-chose à dire : un mot d'humeur, une photo postée, un "j'aime bof" sur un site de musique, et le tour est joué. Le réseau va jusqu'à parler de vous... sans vous, grâce, entre autres gadgets numériques, à la géolocalisation, qui indique aux membres de votre réseau quels endroits vous avez fréquentés dans la journée. 

Subjectivité versus globalisation

Jamais, dans l'histoire de l'humanité, l'individu n'avait trouvé le moyen de faire sa pub à si peu de frais... Ainsi a-t-on vu surgir sur le Web une armée de narcisses décomplexés et pas forcément antipathiques, faisant de l'autopromotion -du "personal branding"dans le jargon- le ressort principal de leur activité. Grégory Pouy, ex-marketeur, a lancé son cabinet de conseil numérique dans le sillage de son blog consacré à la stratégie des médias sociaux.  
Dans l'un de ses posts, il s'épanche : "Je suis de moins en moins régulier sur ce blog et je me pose des questions sur ma volonté réelle de continuer mais je crois que oui finalement [...]. C'est vrai aussi qu'en ce moment je prends plus de temps pour moi, pour lire [...], cela est un peu antinomique avec le fait d'écrire sur le marketing mais l'essentiel, je crois, est que je me nourrisse..."  
Le jeune homme a été épinglé par le site parodique Personal Branling -on saisit le jeu de mots- qui tacle ceux qui se la racontent sur le Web, du quidam fier de lâcher 1 euro au SDF du métro à la twitteuse ramenarde dont le commentaire est passé en incrustation à la télé. Vexé ? "Pas du tout, puisque mon métier consiste à faire ma promo personnelle, répond-il. Ce n'est pas de l'égocentrisme, c'est une stratégie." Il n'y a pas que les politiques... 
La démarche a sa logique. Dans notre monde ultramondialisé, où tout -les êtres, les choses, les idées- subit la dure loi de la concurrence, il est tentant de voir dans la singularité et la subjectivité à outrance la meilleure voie de salut. Là réside sans doute le principal moteur du narcissisme actuel. Au temps d'avant la globalisation et la mobilité sociale, l'individu se lovait dans le métier et les relations amoureuses dictés par son milieu. Désormais, il a le choix, certes, mais, confronté en permanence à la réussite des autres -avec lesquels il se trouve de facto placé en compétition-, il doit aussi appren dre à se hausser du col, dans sa vie sentimentale comme au boulot, en une sorte de lutte darwinienne pour la survie. 

Les "doudous" de l'ego

Pour tenir, il lui reste les "doudous" de l'ego : la bouteille de Coca avec son prénom, le rouge à lèvres personnalisé... "Cette dernière décennie, le marketing de l'ego s'est substitué au marketing de la tribu, à l'oeuvre dans les années 1980 et 1990, qui reposait sur le partage de valeurs collectives, du genre campagne Benetton", observe Laurent Rignault, fondateur de l'agence de conseil Expert Is Me.  
Derniers nés sur le créneau, les objets connectés renvoient le narcisse à lui-même dans un mouvement circulaire frôlant l'obsessionnel : telles chaussures comptabilisent le nombre de pas effectués, tel bracelet évalue la qualité du sommeil, etc. On mesure ses performances, comme on mesure sa popularité à coups de "like" et d'"amis" sur Facebook. Cette "Bourse globale du moi", pour reprendre l'expression du psychanalyste et essayiste Carlo Strenger (2) répond à une "peur de l'insignifiance" que l'on croit apaiser par toujours plus de réussite.  
"Mais c'est un leurre, ajoute Carlo Strenger, puisque la compétition permanente rend le succès précaire et qu'il faut se maintenir constamment sur la brèche !" Ces hypernarcissiques sont ainsi plus fragiles qu'on ne le croit, "masquant une vraie faille de fond sur le plan du respect de l'autre et de l'éthique, renchérit la psychanalyste Marie-Laure Colonna (3), faille dans laquelle les sentiments sont remplacés par les passions et/ou la surconsommation". 
Si encore l'éducation constituait un garde-fou... Mais, à entendre les psys et les enseignants dépeindre ces enfants rois intolérants à la frustration parce que bien trop chouchoutés par leurs parents, après des décennies d'autoritarisme, il est permis d'en douter.