jeudi 17 juillet 2014

Qu'est-ce que le "Soi" impérieux

soi-impérieux
En bref : dans le modèle du soi présenté par Ostad Elahi, le soi impérieux est dans la psyché la source des pulsions qui nous poussent impérieusement à agir contre les principes éthiques et divins et à enfreindre les droits d’autrui.
Pour bien comprendre cela, faisons appel à une expérience tirée de la vie de tous les jours. Romain raconte :
« Je suis chargé de l’accueil du public dans une grande administration. Comme nous manquons d’effectifs, c’est un travail assez pénible et j’ai l’impression d’être harcelé entre le téléphone qui sonne toutes les cinq minutes et les gens qui font la queue pour demander des renseignements. Face à cette situation de stress, je suis souvent tenté de me montrer agressif et désagréable avec les gens qui me posent des questions, surtout quand ils ne comprennent pas ou qu’il faut leur expliquer des choses évidentes. D’un autre côté j’essaie de me contrôler. Je me dis que ces gens ne sont pas responsables du manque d’effectifs dans notre service ; que moi aussi, face à d’autres administrations que je ne connais pas, je ressens une sorte d’angoisse (Ai-je bien le bon papier ? Est-ce que je suis bien au bon guichet ? …) ; Qu’il est donc très naturel pour eux de venir me poser des questions pour se rassurer. Quand je pense à tout ça, j’essaie de prendre sur moi (ce n’est pas toujours facile ! ) Pour surmonter mon énervement et pour leur répondre patiemment et de façon et agréable. »
Cette expérience fait état d’une tension entre deux tendances opposées, deux « voix » contraires qui s’affrontent en nous. L’une de ces tendances correspond à la voix de la raison, fondée sur des valeurs d’humanité telles que l’altruisme, ou des principes éthiques comme celui qui veut qu’on agisse envers les autres comme on voudrait qu’ils agissent envers nous-même. C’est cette tendance qui pousse Romain à « prendre sur lui », même si ce n’est pas facile, pour se montrer patient et agréable. Cette première tendance correspond à la manifestation de ce qu’Ostad Elahi appelle l’âme céleste.
L’autre « voix » repérable dans ce récit correspond à une tendance anti-éthique fondée sur l’égoïsme et le désir d’assouvir immédiatement ses pulsions nuisibles (ici, des pulsions d’agressivité) sans tenir aucun compte des principes éthiques et de l’humanité que je dois à mes semblables comme à moi-même. Telle personne me pose une question qui m’énerve : comme je suis dans une position d’impunité qui me permet de réagir comme je l’entends, je laisse aller mon agressivité, sans tenir compte des droits de mon interlocuteur, en tant qu’usager de l’administration publique qui m’emploie, mais aussi simplement en tant qu’être humain. Cette deuxième tendance correspond à ce qu’Ostad Elahi appelle le soi impérieux.
Le soi impérieux se manifeste donc à travers des pulsions nuisibles qui s’opposent systématiquement aux valeurs de l’éthique véritable.
Cette première définition a le mérite d’être simple et de reposer sur une expérience que chacun peut reconnaître en soi, celle du tiraillement intérieur entre deux voix opposées. Elle est pourtant incomplète ; elle ne rend pas compte de la complexité de cette instance essentiellement inconsciente, qui peut prendre les formes les plus variées et les plus subtiles, et qui suppose donc qu’on apprenne à la reconnaître. Ainsi par exemple :
  • toute pulsion n’est pas nécessairement la manifestation du soi impérieux. Le fait que Romain soit agacé ou énervé par une situation objectivement stressante est une réaction naturelle. Ce sentiment, considéré en lui-même, ne relève pas a priori du soi impérieux. Mais s’il le conduit à se montrer désagréable (donc nuisible aux autres) ou à développer une forme d’ingratitude et de pessimisme par rapport à la vie (sentiments nuisibles à sa propre personne), alors on peut dire qu’il a basculé dans le soi impérieux ;
  • inversement, des comportements ou des attitudes en apparence raisonnables, éthiques ou spirituelles peuvent relever en fait du soi impérieux. Ce dernier exerce en effet sur notre psychisme une pression anti-éthique et anti-divine permanente, sans que nous en soyons nécessairement conscients. Il peut arriver que, sous l’influence du soi impérieux, nous accomplissions des actions parfaitement illégitimes, tout en nous persuadant nous-même que nous sommes dans notre bon « droit ».
Sous les manifestations les plus variées et les plus contradictoires, le soi impérieux représente donc toujours une même tendance au sein du soi : la tendance anti-éthique et anti-divine. Sa fonction principale semble donc être de nous empêcher de progresser et de croître spirituellement. Toutefois, il est essentiel de comprendre que même s’il se définit avant tout par son caractère nuisible, le soi impérieux est en réalité indispensable à la maturation de notre âme céleste. En effet, la tension interne à travers laquelle se manifeste le soi impérieux est une nécessité : sans cette résistance, il n’y a ni progrès ni maturation. Ce n’est qu’à travers une lutte active contre la pression anti-éthique et anti-divine du soi impérieux que l’âme céleste peut réaliser son perfectionnement. Le soi impérieux est donc autant un obstacle qu’une condition du développement de soi.
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jeudi 10 juillet 2014

Bel été à tous

En ce beau début d'été, je vous souhaite à tous le meilleur. Profitez au mieux de ces jours de liberté, d'amour et de détente. Profitez-en pour vous reposer, mais aussi pour méditer, réfléchir, prendre du recul... admirer la nature merveilleuse qui nous entoure et qui veille sur nous. 
Profitez de ce moment pour remercier la vie, le soleil, la Terre de tous ses bienfaits... mais aussi tous ceux et celles qui vous aiment et prennent soin de vous par un appel, un sourire, leur présence et leur écoute. N'oubliez pas de respirer, d'inspirer le positif et de pardonner les blessures qui vous ont été infligées par ceux qui sont en souffrance.  
Souvent, pour une blessure subie des dizaines d'actes d'amour, de reconnaissance de votre valeur, vous sont manifestées.  Regardez autour de vous, observez en silence...
Mon refuge à moi St Paul Lacoste - Cévennes



lundi 7 juillet 2014

« L'humilité est l'intelligence de celui qui ose. La modestie, l'orgueil de celui qui n'ose pas. » 
 Tariq Demens, Diaphorismes


Que signifie oser ? L'attitude de celui qui affronte la peur. J'ose quand je redoute un acte (me jeter à l'eau, changer de vie...), mais que je ne m'abstiens pas pour autant. Il est bien des manières d'éviter la peur ! Celle du téméraire, qui ne la connaît pas parce qu'il est inconscient du réel, et qui agit, mais sans conscience. Celle du lâche, qui neutralise son effroi en s'abstenant d'aller vers ce qui l'effraye. Lui est conscient, mais n'agit pas. Au contraire, celui qui ose a malgré tout peur, mais il agit quand même. Il accepte l'expérience de la peur.
N'est-ce pas là une première définition de l'humilité ? La peur repose en effet sur le sentiment que je ne contrôle pas tout, que mon système de défense ne me rend pas invulnérable : je peux être blessé, tué, je peux souffrir. La peur est une connaissance : je ne suis pas tout-puissant. Être humble, c'est donc d'abord comprendre les limites inhérentes à sa condition. En cela, déjà, l'humilité est une intelligence. Mais cela ne suffit pas. Car comprendre ses propres limites, c'est aussi le risque de s'y laisser enfermer. On s'en contente. On n'a pas la « prétention » de dépasser sa condition... Humilité ? Non, modestie ! Je suis alors modeste dans mes ambitions, modeste dans ma conception de la vie, fier d'être modeste, puisque l'usage fait de la modestie une vertu. « L'orgueil de celui qui n'ose pas »...
Dans les tragédies grecques, l'arrogance de celui qui prétendait dépasser sa condition (le péché d'ubris) était sévèrement puni par les dieux. Mais c'est que le héros ne comptait alors que sur ses seules forces, dont les limites échappaient à son intelligence. Entre la modestie de celui qui ne s'aventure pas au-delà de ses propres limites et le délire de toute-puissance de celui qui refuse de les reconnaître, il y a une autre voie, celle de l'humilité: comprendre ses limites, - mais pour aller au-delà !
Le trac de l'artiste en donne un bon exemple. Le véritable acteur a conscience, au moment d'entrer sur scène, que tout ce qu'il sait (son texte), tout ce qu'il sait faire (sa technique), tout ce qu'il maîtrise, tout cela est cruellement insuffisant.
Car pour que l'art ait lieu, il faut plus : cela qui ne peut que lui être donné s'il se dispose à le recevoir, et qui est de l'ordre du mystère : cette présence, cette justesse - la grâce. Il a donc peur, car il sait que l'aventure de la scène est au-delà de ses seules forces. Mais il y va quand même, dans l'espérance que lui soit donné ce qui le dépasse et donne sens à l'aventure de son art et de sa vie.
Le trac, dont Louis Jouvet disait qu'il vient avec le talent, est l'humilité de l'artiste. Et celle-ci est une intelligence de la vie, du pouvoir créateur de la vie. Or chaque situation de notre vie, pour qu'elle donne toute sa fécondité, n'est- elle pas au-delà de nos seules forces ? Ne requiert-elle pas l'inspiration, la grâce, et donc l'humilité qui en est le terreau ? L'humilité, sœur de la foi - celle qui déplace les montagnes.
© Denis Marquet

mercredi 2 juillet 2014

Lytta Basset aborde le thème de la compassion

Pasteure et auteure de best sellers, Lytta Basset nous livre son approche de la compassion, qui est au coeur de toutes les grandes religions.

Pour sa troisième édition, la revue "La Chair et le Souffle" tente de cerner la compassion, cette perception de la souffrance de l’autre, aussi étonnante que caractéristique du genre humain. 
La compassion se fait de plus en plus rare dans nos sociétés industrialisées, même dans les lieux de souffrance où l’on s’attendrait à la rencontrer: les professionnels de la santé, les assistants sociaux, le personnel carcéral sont souvent les premiers à déplorer le manque de personnel et donc de temps nécessaire à… la compassion! Les critères dominants étant aujourd’hui «rapidité et rendement», elle est d’emblée considérée comme un luxe, une perte de temps quasi indécente, voire même évacuée des processus de formation sans qu’on y prenne garde.

Pourtant, si la compassion est bien la forme incandescente de l’amour, on peut dire qu’elle se tient au cœur de toutes les grandes religions, et probablement de toute philosophie humaniste. Quelles que soient les divergences doctrinales, la multiplicité des pratiques et la diversité des anthropologies propres à chacune, on finit toujours par se retrouver lorsqu’il s’agit de la relation interpersonnelle: l’être humain dans sa vulnérabilité, son dénuement, sa souffrance semble pouvoir mobiliser en tout croyant – en tout humaniste – le meilleur de lui-même, lui révélant des trésors de sollicitude insoupçonnés.

Mais pourquoi s’intéresser à la compassion au lieu de s’en tenir au précepte bien connu de l’amour? C’est qu’il y a dans la compassion quelque chose d’imprévisible, d’irrépressible, d’inconnu même: on est «pris de compassion»… Par qui? «Qu’est-ce qui nous prend?» Qui nous prend? Nous n’avons pas été consultés. Nous sommes pris… au dépourvu. Un courant, venu d’Ailleurs, s’établit avec autrui, que nous n’avions pas programmé et qui peut même nous irriter. Une telle expérience touche au plus intime de la vie spirituelle la moins égocentrée: cela vaut la peine d’y réfléchir!

La prévention contre la compassion se met en place dans la foulée d’une expérience négative: «On ne m’y reprendra plus!». Le soupçon est le même que pour l’amour dans ses expressions les plus simples: l’autre va en profiter, je dois donc me protéger contre la perversion; ou bien l’autre se complaît dans le rôle de victime, alors j’évite de m’investir; ou encore l’autre ne mérite pas l’amour, encore moins la compassion, je ne vais pas me laisser attendrir! Mais là où l’on s’est fermé à l’amour – pour d’excellentes raisons, souvent –, il arrive que la compassion, elle, se fraye un chemin. Comment s’y prend-elle? Comment parvient-elle à faire tomber les résistances à la fois psychiques et spirituelles? Il convient au préalable de les repérer et de les nommer.

De la passivité aux actes

En outre, il faut mentionner un lourd héritage: la tradition chrétienne a trop souvent prôné la compassion pour les malheureux au détriment du combat pour la justice. On cantonnait le «royaume des cieux» dans l’au-delà, en pervertissant la première béatitude: «Heureux les pauvres car le royaume des cieux est à eux!», notre amour et notre prière pour vous sont de tout repos puisque de toute façon votre récompense vous attend là-Haut. Voilà pourquoi on rejetait la compassion il y a quelques décennies: on y voyait le moyen utilisé par certains pour empêcher autrui de se battre et d’accéder à la justice. La compassion opium du peuple, en somme! Ainsi le héros d’un roman de Dostoïevski s’interdit la compassion qu’il considère comme une faiblesse susceptible de renforcer la soumission à un ordre social injuste.

Il s’agit donc de repérer à quel moment la compassion est utilisée comme prétexte pour ne rien changer: «Votre situation de dénuement est votre ascèse!». L’approche bouddhiste de la compassion peut apporter un éclairage important: comment le bouddhisme intègre-t-il son idée d’accepter les choses comme elles sont à sa vision d’une compassion qui, elle, change les choses? Et comment peut-il concilier son invitation au détachement avec l’importance qu’il accorde à la compassion envers tous les êtres?

Une compassion agissante, telle est bien la fine fleur de notre héritage juif. La Bible hébraïque, et le judaïsme dans son ensemble, se méfient des belles déclarations: la compassion, comme la justice, la vérité, etc., n’a tout simplement aucun contenu sans les actes qu’elle génère ou inspire. Elle est inséparable du respect pour autrui, de la lutte pour sa dignité et ses droits. C’est à ses fruits que l’on voit son origine divine. Dans le Talmud, on la voit émerger du terreau fertile du combat pour la justice.

On retrouve dans les évangiles le même accent sur la fécondité visible de la compassion. Mais par rapport aux notions de pitié, miséricorde, charité – mots qui figurent également dans les textes –, la compassion apparaît comme quelque chose de tout à fait spécifique, qui se dit exclusivement avec un verbe – «être pris aux entrailles» – et qui se dit exclusivement de Jésus. Il s’agit donc de cerner une telle spécificité, de voir pourquoi on ne peut ni contraindre ni même exhorter à la compassion. Il se pourrait qu’on touche là à l’identité – au fondement de toute éthique: qui suis-je pour être pris-e ou ne pas être pris-e de compassion? Dans la mystique chrétienne orientale, ne dit-on pas qu’«aimer son prochain comme soi-même», c’est essentiellement aimer son prochain comme étant une partie de soi-même – la partie «christique», en somme.