jeudi 8 décembre 2016

Chaque moment de la vie est l'occasion d'un travail sur soi



Voici ce que Sénèque répond à ceux qui, souhaitant pourtant ardemment travailler sur eux, garantissent qu'ils n'ont "pas le temps de pratiquer même la respiration consciente" tant ils sont occupées (...donc pas le temps de respirer).
"La vie n'est pas trop courte, c'est nous qui la perdons"
En effet, la vie est assez longue et largement octroyée pour permettre d'achever les plus grandes entreprises, à condition qu'elle soit tout entière placée à bon escient et elle s'étend loin pour qui en dispose bien. (...) de nombreux hommes courent après des plaisirs illusoires et éphémères, comme la gloire militaire ou la beauté, au lieu de se consacrer à eux-mêmes (...) ils sont accablés par la richesse, esclaves de leur vie professionnelle. 
Sénèque s'interroge sur la valeur inestimable du temps, et regrette que ce dernier ne soit jamais vraiment considéré : On ne trouve personne qui veuille partager son argent, mais chacun distribue sa vie à tout venant et personne ne te restituera tes années, personne ne te rendra à toi même.
La douleur vaine, la joie stupide, le désir avide, la conversation flatteuse : tout cela nous fait perdre notre temps, et réduit en cendres la durée de notre existence. La cause de cette insouciance : chacun vit comme s'il devait vivre pour l'éternité, mais la fragilité de l'existence ne vient souvent que trop tard".
Par "Les occupés" Sénèque désigne aussi bien les débauchés, qui passent leur temps dans l'ivresse et les plaisirs de la chair que les avares, les colériques, les mondains qui passent de banquet en banquet, les élèves ou les professeurs qui consacrent leur temps à des études inutiles ou les hommes d'affaires esclaves de leur travail. Tous se perdent et tournent en rond: penses-tu qu'il a beaucoup navigué celui qu'une violente tempête a surpris à sa sortie du port, a poussé çà et là et, dans les tourbillons de vents contraires, a fait tourner en cercle dans un même périmètre? Il n'a pas beaucoup navigué, mais il a été beaucoup ballotté.
En revanche, celui qui consacre tout son temps à son usage personnel, qui organise toutes ses journées comme une vie entière ne désire ni ne redoute le lendemain. En outre, la plus grande perte pour la vie, c'est l'ajournement[...]; il dérobe le présent en promettant l'avenir.
En apprenant et en pratiquant la sagesse (puisque c'est bien cela 'l'oisiveté' stoïcienne), le sage ou du moins l'aspirant à la sagesse peut construire sa vie de façon organisée et utile. Les occupés ne savent pas se servir du temps et ne sont pas des hommes de loisirSeuls sont hommes de loisir ceux qui se consacrent à la sagesse. Seuls ils vivent; car non seulement ils protègent bien la durée qui leur appartient, mais ils ajoutent la totalité du temps au leur. Le sage s'approprie son temps, mais aussi les siècles passés en étudiant les philosophes anciens et en suivant leurs préceptes. Enfin, le temps ne peut rien contre la sagesse : aucun âge ne l'abolira, aucun âge ne l'affaiblira.
Alors que les occupés fuient une chose pour une autre et ne peuvent s'arrêter à un seul désirperdent le jour dans l'attente de la nuit, la nuit dans la crainte du jour, le sage est serein et n'a pas crainte de l'avenir.
Sénèque invite enfin les Hommes à ne pas attendre leur retraite pour profiter de leur vie, mais d'en profiter tout le temps en cultivant leur goût des loisirs (eux-mêmes liés à la pratique et étude de la sagesse). De même, la retraite ne doit pas signifier l'arrêt de toute activité, en particulier de pratiquer les préceptes de la sagesse.
Le désir de travail survit à la capacité de travailler.

Faire immerger sa personnalité profonde