AFFRONTER LA COLÈRE, DÉVELOPPER LA COMPASSION
par
JUDITH ORLOFF
par
JUDITH ORLOFF
QUI DIT QUE L'ON NE PEUT CHANGER?...
La septième transformation examine la dynamique de la colère et offre de nombreuses stratégies pour en triompher grâce à la compassion. Déceler la colère, l'assumer et vous en défaire sans y succomber, sans tirer à bout portant sur les autres ou les aliéner cela vous apportera le pouvoir et améliorera vos rapports. Dans ma pratique psychiatrique, j'ai constaté qu'exprimer sa colère de manière positive peut être libérateur sur le plan personnel et améliorer la communication. J'ai aussi été témoin de la puissance destructrice de la colère, orientée vers soi-même ou vers autrui. La colère est toxique pour votre organisme et elle endommage les relations à moins d'être exprimée sainement, une aptitude qui fait défaut à la plupart des gens. Elle vous consumera, fermera votre cœur et vous empêchera de réfléchir clairement. Parmi toutes les émotions négatives, c'est celle qui est la plus susceptible de dégénérer en agression physique ou verbale. Je suis bien résolue à travailler cette émotion potentiellement incendiaire aussi rapidement que possible (non pas à la refouler ni à la vomir sur l'autre) pour qu'elle ne suscite en moi aucune anxiété ni ne me rende malade, ou qu'elle ne blesse personne. Au fil des ans, j'ai dû m'accrocher à mon siège et à mon centre pendant nombre de séances de thérapie de couple où les conjoints s'apostrophaient avec virulence jusqu'à ce qu'ils aient appris à se traiter avec plus de compassion. Lancer méchamment au partenaire "mère indigne" ou "amant pitoyable" blesse profondément. Certaines paroles resteront presque impossibles à effacer. La colère est tout à fait humaine, mais je décrirai comment la dominer au lieu d'y être asservi.
QU'EST-CE QUI VOUS MET EN COLÈRE ?
La colère (du latin angere, qui signifie "étrangler") est un sentiment intense de déplaisir et d'antagonisme qui survient lorsqu'un besoin n'est pas comblé ou qu'une attente ne se réalise pas. En règle générale, qu'est-ce qui vous fait bouillir? Être traité injustement, être manipulé, voir qu'on vous manque de respect, notamment si c'est délibéré. De même, vous sentir non apprécié, menacé ou voir vos frontières émotionnelles ou physiques transgressées. Selon des études, les couples se querellent le plus souvent à propos du sexe, de l'argent, des enfants et des tâches domestiques. Pour ma part, ce qui me met le plus en fureur, c'est que quelqu'un ose me dicter ce que je dois éprouver ou être...
La colère résulte d'un vaste spectre de situations. De contrariétés de tous les jours: la chambre en désordre de votre adolescent, la voix tonitruante d'un collègue de bureau. Elle peut également découler de provocations plus graves: votre conjoint a une liaison, une amie tente de s'emparer de votre poste. Au-delà du domaine personnel, des faux-semblants comme le racisme ou la pollution vous mettront hors de vous. Vous pouvez aussi être furieux contre Dieu pour ce qui vous semble injuste - guerres, problèmes de santé ou solitude. Selon les circonstances, la colère ira de l'agacement léger à la rage meurtrière.
À dire vrai, notre existence en ce XXIe siècle est si contaminée par l'exaspération que nous avons désormais des noms pour désigner divers types d'emportements. Rage au volant. Rage dans l'avion. Rage au bureau. Rage au cellulaire. Rage à l'épicerie... Quantité de gens éprouvent une colère tellement refoulée et non examinée, qui mijote sous la surface, qu'il suffit de provocations mineures pour qu'elle explose. Ils sont dès lors plus susceptibles d'invectiver un serveur parce que la soupe est tiède ou un partenaire parce que le linge sale traîne par terre. Les résultats seront parfois tragiques... Une telle fureur incontrôlée peut avoir des conséquences physiques et émotionnelles dévastatrices.
La septième transformation offre des solutions pour aborder la colère, justifiée ou pas, et savoir comment gérer, sans être anéanti, toute colère dirigée contre vous. Vous vous mettrez à évaluer honnêtement le rôle actuel de cette émotion dans votre vie - un acte important s'il en est, car il est impossible de la réprimer sans conséquences. La colère tend à changer de forme. Intériorisée, elle se muera en dépression ou en d'autres émotions douloureuses. Elle provoquera aussi des manifestations et des purges diverses, allant de reflux acides, d'éruptions cutanées jusqu'aux diarrhées. Ou encore, elle se manifestera inconsciemment sous forme d'agressions passives - humilier les autres, refuser d'exprimer de l'affection, faire preuve de méchanceté ou de médisance. Ignorant que votre colère a été déplacée, vous critiquerez sournoisement ou dénigrerez autrui, ce qui ne vous vaudra pas l'affection générale. Pour éviter un tel sort, répondez au questionnaire ci-dessous pour élucider l'emprise de cette colère sur vous.
Questionnaire sur la colère: Suis-je en colère?
- Quand je suis blessé, ai-je le désir de blesser l'autre?
- Les petites choses m'irritent-elles?
- Suis-je fréquemment irascible, tyrannique ou querelleur ?
- Ma colère est-elle difficile à maîtriser?
- Au cours d'un conflit, est-ce que je dis des choses que je regrette par la suite?
- Est-ce que j'émets des remarques critiques ou cinglantes?
- Ma colère blesse-t-elle les êtres qui me sont chers?
- Suis-je rancunier?
- Est-ce que je perds mon sang-froid dans les embouteillages ou en faisant la queue?
Sept à neuf réponses affirmatives indiquent un fort degré de colère, beaucoup trop en réalité, au point de vous nuire ou de nuire à autrui. Quatre à six réponses affirmatives signalent un degré modéré de colère sur lequel il faudra travailler. Une à trois réponses affirmatives dénotent un taux minimal de colère. Aucune réponse affirmative révèle que vous êtes en territoire pacifique.
Même si vous portez actuellement en vous une forte colère, la compassion permettra de modifier des schémas de longue date afin que vous puissiez réagir plus efficacement. La compassion se définit comme la capacité humaine d'empathie pour votre souffrance, vos défauts et vos aspirations, ou ceux de quelqu'un d'autre, empathie qui vous pousse à secourir l'autre dans le besoin. Il s'agit d'un amour inconditionnel si doux qu'il est capable de dissoudre la colère en vous. La simple vue d'une scène touchante peut également éveiller la compassion - une maman oiseau donnant la becquée à son oisillon ou un ami travailleur qui réalise son rêve de carrière. La compassion s'avère indispensable pour transformer toute émotion négative, mais elle est particulièrement essentielle à la colère. Pourquoi? Parce qu'elle permet de révéler et de guérir avec bonheur la blessure qui sous-tend cette émotion. Autrement, vous demeurez inconscient des causes profondes de votre colère et risquez ainsi de devenir hypocrite ou agressif. En développant la compassion, vous réagirez moins fortement. Si un individu se fâche contre vous, vous ne succomberez pas à ce que mon maître spirituel appelle "la vieille réaction qui consiste à hurler, à punir ou à brandir un bâton pour le chasser". Cela n'excuse pas le comportement délétère de l'autre, mais la compassion permet une intuition plus fine quant à la raison de cette colère, afin que vous puissiez réagir plus raisonnablement et pardonner, une pratique libératrice que j'expliquerai plus loin.
La septième transformation exige une redéfinition radicale de la colère par le biais de la compassion. Cela sera possible en comprenant la biologie, le caractère spirituel, la puissance énergétique et la psychologie de cette émotion. Vous aurez dès lors des options plus éclairées que simplement sortir vos griffes, vous fermer ou refouler cette colère. Vous apprendrez également à transiger avec les tyrans et avec les médisances, et à reconnaître les effets néfastes de la vengeance et de la malveillance. Avoir de la compassion ne signifie pas, toutefois, que vous n'éprouverez jamais de colère ou que vous servirez de carpette aux autres. Si l'on vous a fait du tort, ou en présence d'injustices, la colère est fondée. Il est approprié de fixer des limites nettes en vue de circonscrire les comportements blessants ou de vous retirer de situations malsaines. Mais la colère devient souffrance si elle vous consume. Je suis inconditionnellement d'accord avec ces propos de Krishnamurti: "Pour mettre un terme à la violence, nous devons persister avec opiniâtreté à nous libérer de la violence à l'intérieur de nous. " Voilà l'objectif des stratégies de ce chapitre.
Anatomie de la colère et de la compassion: Mettre en œuvre la septième transformation
La grande valeur de cette transformation, c'est qu'elle vous prépare à éveiller plus rapidement la compassion en présence de la colère. Au fil de décennies de pratique médicale, j'ai compris que la plupart des patients ne désirent pas ne pas être compatissants; ils ne songent tout simplement pas à recourir à la compassion quand ils sont en colère ou ne s'arrêtent pas assez longtemps dans les moments de fureur pour y faire appel. La compassion est un géant assoupi en vous qu'il faut éveiller par une prise de conscience. Dans les sections qui suivent, vous apprendrez à reconnaître les tout premiers symptômes de la colère et à traiter avec compassion la situation qui l'a provoquée.
REPROGRAMMER LA BIOLOGIE DE LA COLÈRE ET DE LA COMPASSION
La colère est intensément physique, et ce, de manière très primale. Réfléchissez à ce qu'elle fait à votre corps. Supposons qu'un collègue se joue de vous au moment d'une transaction. Vous êtes furieux. Votre amygdale stimule une production d'adrénaline. Votre énergie décuplée vous incite au combat. Le sang afflue dans vos mains, rendant plus facile la prise d'une arme. Votre cœur bat plus vite. Votre respiration est laborieuse. Vos pupilles se dilatent. Vous suez. Dans cet état bouillant d'adrénaline, l'agressivité s'intensifie. Votre ton monte, vous pointez un doigt accusateur vers cet individu, vous le fusillez du regard, vous agitez les bras, vous l'intimidez verbalement et transgressez son espace personnel. Dans des cas extrêmes, vous serez incité à littéralement l'assommer ou à le tabasser. Sur le plan de la survie pure, vous cherchez à dominer et à riposter pour vous protéger et empêcher que l'exploitation n'aille plus loin. (Autrement, si vous subissez une colère, vous êtes porté à combattre ou à prendre la fuite, en fonction de votre mécanisme de survie.) La colère est l'une des pulsions les plus difficiles à maîtriser, car sa raison d'être évolutionnaire est de vous préparer à vous défendre contre le danger.
Biologiquement, quelles variables vous rendent plus sujets à la colère? En premier lieu, l'accumulation de stress. Voilà pourquoi vous explosez plus spontanément après une journée frustrante au bureau. En deuxième lieu, le fait de laisser couver la colère et les rancœurs. Si la colère devient chronique, le cortisol, une hormone de stress, contribue à son bouillonnement prolongé. Si vous demeurez dans cette condition, cela vous rend à cran, soupe au lait. Il est scientifiquement démontré que la colère s'attise d'elle-même. L'effet est cumulatif; chaque épisode de colère repose sur l'essor hormonal de l'épisode antérieur. Par exemple, les mères les plus dévouées et aimantes s'apercevront soudainement à leur grande horreur qu'elles hurlent après leurs enfants si elles ne savent pas diffuser constructivement une accumulation d'irritations. Voilà pourquoi votre biologie vous enseigne à casser promptement le cycle de l'hostilité et à ne pas ruminer le passé, car il nuit à votre bien-être.
Pour une santé optimale, vous devez traiter votre colère. Mais il ne s'agit pas de continuer à exploser quand une chose vous dérange; il vous faut plutôt acquérir des stratégies favorables au corps pour exprimer cette émotion. Sinon, vous serez prédisposé à des maux tels que les migraines, le syndrome du côlon irritable ou la douleur chronique, que le stress exacerbe. Votre tension artérielle grimpera en flèche et vos vaisseaux sanguins se contracteront, ce qui compromettra la circulation du sang au cœur...
Quelle est donc la solution? Cultiver la compassion améliorera votre santé et reprogrammera biologiquement votre approche de la colère en vous entraînant à la considérer sous un autre jour. Vous pouvez, bien sûr, agir cruellement ou déverser votre rage sur les autres. Vous aurez peut-être même brièvement l'impression d'une catharsis, mais cela ne profitera en rien à votre santé, à votre système immunitaire, et ne prolongera pas votre vie ni vos amitiés. La compassion, en revanche, vous permet de vous dire au milieu d'une querelle: "Cette situation est douloureuse. Je suis furieux. L'autre aussi. Malgré tout, comment puis-je être clément à mon égard et ne pas réagir par vengeance?" Ce bond prodigieux de la conscience tempère la réaction de lutte ou de fuite, apaise votre organisme et adoucit l'instinct meurtrier qui ne cherche qu'à nuire en ripostant. Vous pouvez ensuite tenter de combler vos besoins par des voies plus pacifiques. Cela ne signifie pas, cependant, de ne pas exprimer vos sentiments. Toutefois, la compassion colorera le ton et l'énergie de votre expression et permettra plus d'empathie pour la blessure qui sous-tend votre colère et celle de l'autre...
Les exercices ci-dessous reprogrammeront la biologie de la colère grâce à la compassion. Ces techniques simples et pleines de bon sens calmeront les échanges incendiaires, que vous soyez victime ou auteur de la colère.
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